Page:Cadiot - Minuit.pdf/226

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ne semblait plus écouter son récit. Il s’inquiétait de l’étrange extase de l’étudiant.

— Eh bien ! Franz, lui dit-il, tu m’as entendu ? Ulrich de Saul était mort sous les baisers dévorants de cette fille d’enfer.

— Qu’elle était belle ! s’écria le jeune homme, les lèvres frémissantes et les yeux humides ; quelle ivresse et quelle joie ! Ah ! je veux, mon maître, suivre les cavalcades et les chasses bruyantes et les danses folles ! je veux l’aimer aussi, courir sur ses traces, boire le vin versé par ses mains si blanches, et tenir ses soies pendant qu’elle brode, et, fou de bonheur, valser avec elle les yeux dans ses yeux !

— Insensé ! mille fois insensé ! N’as-tu pas compris que cette créature est une willie dévorante, fille de la mort et de Satan, qui boirait ta jeunesse et ta vie ? — Franz, mon fils, réveille-toi !…

— Que m’importe la mort ! que m’importe l’enfer ! Je l’aime avec transport…

— Franz, mon ami, Ulrich est mort.

— Je veux son amour, j’ai soif des joies qu’elle donne !

— Mais écoute donc encore, malheureux ! Il y a vingt ans qu’Ulrich, est mort, et depuis….

— Depuis ?…

— Mon cher enfant, il n’y a plus de fêtes au manoir de Linkenberg. Ni seigneurs ni dames n’en approchent plus, tu le sais bien. Les tourelles sont noires, les giroflées jaunes poussent dans les murs. Madame Isobel est