Page:Cadiot - Minuit.pdf/227

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seule, toujours seule !… C’est que sa beauté est l’amorce trompeuse, qui cache un poison mortel, et que deux cercueils ont déjà suivi celui du baron !

Quand elle fut veuve, la peur prit la troupe empressée de ses chevaliers ; et puis les docteurs en robes noires vinrent dire des messes au château. D’ailleurs, des colères sourdes agitaient le pays. On parlait de possessions infernales et d’exorcismes. Et moitié de gré, moitié de force, madame Isobel s’enferma le temps de son deuil.

Un an après la mort d’Ulrich, quand tous les bruits furent apaisés, elle sortit peu à peu de sa retraite. Non plus cette fois avec une suite, car on n’eût pas souffert dans le pays son vacarme et ses orgies, maintenant que le sire de Saul n’était plus là pour protéger la Ressuscitée. Mais, elle remonta son cheval ardent et courut la campagne comme une possédée. Ou bien, dans une barque étroite et longue, elle erra sur le Rhin, en chantant la nuit et le jour.

Alors, ce ne fut plus la willie emportée qui, folle de plaisir, enivrait sa suite de vin et d’amour sans trêve ni repos. Ce fut une fée aux fantasques allures. On la voyait passer, comme le génie des ballades, sur la crête des montagnes et dans les bois sombres, ou conduire sa barque le long des écueils.

Toujours belle comme nulle n’était belle, toujours séduisante comme l’idéal des rêves de jeunesse, elle semblait planer au-dessus des abîmes, ou d’un vol sublime raser les montagnes.