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veillant et presque enjoué. Il était, du reste, excessivement laborieux, travaillant quelquefois jusqu’à quinze heures par jour ; et il ne prenait guère d’autre récréation que ses voyages à Paris, pour remplir ses fonctions de bibliothécaire au collége Mazarin.

Le soir on se réunissait. L’été on allait se promener dans la verte vallée d’Arcueil, dans les prés de Cachan, ou bien on montait vers le parc de Sceaux et les bois d’Aulnay. L’hiver on jouait et on causait.

On s’occupait d’abord des affaires du jour et des nouvelles que M. Maréchal rapportait de Paris ; puis on parlait poésie, art, littérature, philosophie, religion. Oh ! alors la discussion s’échauffait ; on défendait avec une égale ardeur des thèses pour et contre l’immortalité de l’âme ; on s’accablait de raisonnements comme de projectiles, et l’on finissait par ne pas s’entendre. Puis, on se donnait une poignée de main et l’on se disait cordialement bonsoir, en se traitant mutuellement de sophiste, de bigot ou d’impie, et en se maudissant pour l’éternité.

— Allons donc ! mon cher voisin, laissez donc le bon Dieu tranquille, s’écriait ma mère. Tous les traits que vous lui décochez ont sans doute leur mérite au point de vue de l’esprit ; mais il y a longtemps que tous les cœurs purs admettent sans réplique comme le meilleur des arguments le plus beau des beaux vers de Voltaire :

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer !

— S’il existait encore, il faudrait l’oublier !