Page:Cadiot - Minuit.pdf/29

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lui, comme pour leur parler en particulier. Mais tout à coup le hoquet l’interrompit pour ne plus le quitter, au milieu de cette phrase :

— N’oubliez pas surtout qu’il y a quinze.

Sylvain Maréchal fut pleuré quelques heures par ses amis intimes. Sa femme, sa belle-sœur, madame Dufour et ma mère prirent soin de son ensevelissement, puis tout fut dit. Dès qu’il fut déposé dans la tombe, ses disciples durent l’oublier, puisque, suivant eux, il ne restait plus rien du célèbre athée.

Ma mère consola de son mieux la pauvre veuve, dont la douleur prouvait mieux le besoin d’immortalité que tous les raisonnements possibles. Elle tâcha surtout de faire renaître dans son cœur l’espoir que les doctrines de son mari en avaient chassé, et pour rendre ses soins et ses consolations plus efficaces, comme aussi pour éviter à madame Maréchal l’effroyable brisement de cœur que l’on éprouve en se retrouvant seul, sous le toit où l’on était deux, elle l’emmena provisoirement avec sa sœur et son amie, demeurer chez elle.

Ces dames reçurent pendant la journée les visiteurs importuns, qui tiennent apporter aux vraies douleurs des condoléances banales, plus cruelles que bienfaisantes.

Restées seules le soir, elles s’occupèrent de quelqu’ouvrage de femme, et se communiquèrent, en les entrecoupant de soupirs, leurs réflexions mélancoliques sur la brièveté de la vie et l’éternelle séparation