Page:Cadiot - Minuit.pdf/46

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— Je la pleure sans fin !
— Tes motifs sont pieux ?
— J’entends lorsque le vin
    Me ressort par les yeux !…

Barbel et Ketha se signèrent en pleurant ; on sentait que cette voix rauque, traînante, heurtée, appartenait au dernier degré de l’ivresse ; que les jambes amollies du tisserand suivaient une route incertaine, et que l’ignoble chanson était souvent interrompue par des hoquets.

Mais peu à peu, la voix se rapprochait, et les paroles devenaient plus distinctes :

— Sais-tu qu’il faut mourir ?
— Je veux mourir… à table !
— Crains un triste avenir,
Ce n’est pas une fable !
— Je ne crains que la soif !
— Tu dois craindre la mort !
— Je bois tant que j’ai soif,
Et quand j’ai bu… je dors !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Songe donc à mourir !
— J’y songe quand j’y pense !
— Tu dois t’en souvenir
Et faire pénitence.
— Je la fais très-souvent…
— Tu ne la fais jamais !
— Quand je n’ai pas d’argent
     Pénitence je fais !…

Bientôt les pauvres femmes, toutes tremblantes, entendirent des pas lourds et inégaux frapper le pavé de la cour, et la porte crier sur ses gonds.