Page:Cadiot - Minuit.pdf/60

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Et tout en trébuchant, il s’égarait parmi les troncs rabougris de quelques vieux saules, qui bordaient un ruisseau, et dont les têtes noueuses semblaient de moment en moment, montrer derrière les buissons du sureau et du troène, de hideux visages de gnômes. À chaque pas, il lançait vers le ciel un juron plus horrible et tentait un effort plus désespéré, jusqu’à ce qu’enfin, las de la bataille, il se retournât vers une autre issue pour chercher sa route.

Et c’était pitié de le voir, chancelant, marchant au hasard, et tournant péniblement sur lui-même dans un cercle déjà vingt fois exploré.

Tantôt, se raidissant par un reste de volonté lucide, il s’élançait à la course et franchissait d’un bond un long espace ; tantôt, il tombait épuisé et abasourdi au pied d’un arbre ou dans la vase d’un fossé. Il restait alors un moment immobile, abruti, stupéfié par les vapeurs de plus en plus épaisses de l’ivresse, car à chaque repos il avait recours à sa gourde d’eau-de-vie ; puis il se relevait pour chercher de nouveau son chemin à travers les sentiers qui partageaient la campagne et semblaient pour lui se multiplier à l’infini et s’entrecroiser dans un enchevêtrement inextricable, comme les fils d’un écheveau de soie embrouillé.

Tout à coup, il se trouva, sans savoir comment, les jambes empêtrées par des hautes herbes, et frappées de temps en temps, comme par des barrières, cachées