Page:Cadiot - Minuit.pdf/77

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cela vous va toujours bien ; vous êtes jeune et gaie, et Pauline semble votre sœur. Moi, j’ai toujours été d’humeur sévère, vous le savez. Je berçais Pauline sur mes genoux quand elle était enfant, mais je n’ai jamais pris part aux folles joies de la jeune fille. — Jouez donc tous, et laissez-moi dans mon coin, comme c’est la coutume, ronger la pomme de ma canne, me souvenir du passé ou songer à l’avenir. Dix ans plus tôt, dix ans plus tard, ne faut-il pas toujours apprendre ce rôle ?

Le personnage qui parlait ainsi, tout en allant s’installer au coin du feu dans une vieille bergère, était un homme grand et maigre, jadis blond, mais maintenant gris, dont les tempes creusées, les cheveux rares et la taille courbée, faisaient un vieillard, bien qu’il n’eût guère que la cinquantaine, comme l’avait dit madame de M***. Il avait le front haut et intelligent, l’œil vif et doux en même temps. Sur sa joue gauche on remarquait une cicatrice profonde qui ressemblait à la marque d’une morsure.

Depuis vingt-cinq ans, le docteur Maynaud exerçait la médecine dans le bourg voisin du château de madame de M*** ; et, quoiqu’il fût un tout jeune homme lors de son installation dans le pays, personne ne se souvenait de l’avoir vu sans cheveux blancs et sans rides, tant son front avait toujours été sévère, tant sa vie était restée calme et retirée.

Néanmoins il était devenu l’ami de toutes les famil-