Page:Cadiot - Minuit.pdf/78

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les des environs, et dans le salon de madame de M***, mi-partie composé de visiteurs parisiens et de voisins de campagne, il n’y avait pas un seul personnage qui ne s’honorât de l’avoir pour commensal.

Ce soir-là son front était plus pensif encore que de coutume. Tandis que les jeux s’organisaient autour de lui, et à mesure qu’ils devenaient plus bruyants, il semblait s’isoler en lui-même pour donner audience à des rêveries ou à des souvenirs graves, presque douloureux. Peut-être les cloches qui tintaient pour annoncer la fête des morts, conduisaient-elles ses pensées vers un autre monde, ou le faisaient-elles songer à des tombes aimées. Peut-être cherchait-il la solution d’un problème scientifique ou moral. Quoi qu’il en fût, il était certes à cent lieues du salon de madame de M***, quand, après une partie, H fut question de racheter les gages.

L’air absorbé du docteur frappa tout le monde. Comme Pauline de M*** était passible d’une pénitence pour une paire de gants qu’elle avait laissée en otage, on trouva plaisant de l’envoyer réveiller le morose vieillard par un baiser.

Pauline regarda malicieusement son vieil ami et s’avança sur la pointe du pied. Puis, quand elle fut devant lui, et qu’elle eut montré en riant aux joueurs l’impassibilité du docteur, qui ne sourcillait point, elle lui prit brusquement le cou entre ses deux mains, et lui appliqua sur la joue gauche un bruyant baiser.