Page:Cadiot - Minuit.pdf/83

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Le vin était bon, les liqueurs exquises ; nous causions de cette vive causerie que la verve soutient, que la discussion fouette, et qui jette l’esprit surexcité dans un monde d’idées un peu incohérentes, parce que l’on a tour à tour effleuré tous les sujets, creusé toutes les questions et soutenu toutes les thèses. Moitié vin, moitié causerie peut-être, vers onze heures du soir, quand nous voulûmes nous lever pour regagner nos logis, nous trébuchions et battions les murailles. Les uns étaient ivres, les autres étaient gris.

Ceux qui étaient ivres restèrent au cabaret sur leurs bancs ou sous la table. Ceux qui n’étaient que gris, et j’étais de ceux-là, s’assurèrent tant bien que mal sur leurs jambes, et rentrèrent en groupe dans Montpellier.

La route fut faite en commun d’abord, et la conversation continua semée de propos interrompus. Mais de distance en distance il y eut des défections : quelques-uns reconnurent leur chemin et rentrèrent chez eux ; quelques autres restèrent en arrière, s’appuyant aux murs et interrogeant les passants attardés.

Moi, je n’étais ni de ceux qui à travers les fumées de l’ivresse gardaient assez leur raison pour se conduire, ni de ceux qui l’avaient entièrement perdue. Bientôt je me trouvai seul au milieu de la ville, et fort incertain de la route que je devais suivre.

J’allai d’abord devant moi, sans plus m’inquiéter de mon but ; il faisait, beau et j’avais comme un moulin dans la tête. Mais peu à peu la turbulence de mes pen-