Page:Cadiot - Minuit.pdf/94

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pie. À ma joue saignait une plaie béante où dix dents étaient marquées.

— Et ceci ? m’écriai-je, est-ce un rêve aussi ? Si ma tête en délire a entendu parler les morts, si la puissance de mon imagination surexcitée m’a seule montré ce drame funèbre, me suis-je aussi mordu moi-même ?

Il n’y avait rien à répondre à cette preuve terrible. Mes amis doutèrent et se turent.

On me soigna. Je guéris. Mais depuis cette époque je ne suis jamais entré dans un amphithéâtre, et j’ai défendu tous mes morts contre l’autopsie. Les jeunes filles aussi, quand elles sont pâles et grandes comme Pauline, me font un effet étrange.

Vous comprenez maintenant, ce que le baiser imprévu de cette chère enfant m’a fait éprouver hier, à une date et à une heure, où, depuis trente ans, je n’ai jamais pu m’affranchir de mes terreurs. Elle m’a fait illusion une seconde… — Pauline, je n’en reviendrai pas !…

Madame de M*** et ses amis, s’empressèrent autour du docteur Maynaud pour le rassurer. Mille protestations de sympathie lui arrivèrent de toutes parts. On parla de guérison, d’oubli, d’avenir…

Mais l’année suivante, la veillée de la Toussaint se passa tristement au château de madame de M***. À la réunion ordinaire des amis et des voisins, le docteur manquait, et l’on ne pouvait se défendre d’un serrement de cœur à son souvenir.