Page:Cadiot - Minuit.pdf/99

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— Je ne sais pas… mais il pourrait être en Amérique tout de même, — Depuis trente ans, il a passé bien de l’eau sous les ponts !

— Un frère !… Depuis trente ans vous ne savez pas ce qu’il est devenu, et il vous arrive une lettre d’Amérique avec beaucoup de renvois sur l’adresse ! Quel drame, papa Naigeot ! reprit l’étudiant en frappant du poing sur la table. — Mais c’est un héritage qui vous tombe du ciel ! Vous allez devenir un Crésus ! — Papa Naigeot, vous nous régalerez !

— Bon ! s’écria un autre étudiant, ce n’est pas trop maladroit d’avoir refusé la lettre !… de cette affaire-là, Buneaud perdait un pensionnaire ! Cela ne ferait pas son compte, à lui, que ses nourrissons s’enrichissent ! Voyez-vous le Pactole traversant la cour ? — Crac ! aussitôt plus personne !

Les jeunes gens battirent des mains ; un sourire bête erra sur les lèvres des vieillards les moins abrutis. Quant aux autres, parfaitement en dehors du mouvement et indifférents à la conversation, ils déchiquetaient leur viande avec la même régularité automatique. À la pension Buneaud, il y avait des êtres auxquels le bruit du canon et du tocsin n’aurait pas même fait lever la tête.

— Finalement, monsieur Naigeot, faut-il faire réclamer cette lettre ? demanda Buneaud.

— Eh ! eh !…

— Comment ! vous hésitez ? Une fortune vous arrive.