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tiers j’aurais lié avec eux une éternelle amitié. Plus j’approchais, plus la campagne me semblait belle. Et quand j’entendis les roues de la voiture faire trembler le pavé de la rue d’Enfer, je tressautai d’aise dans mon coin.

Quel voyage ! Est-il rien qui plus tard rende l’enivrement de ces premières émotions ?

Combien d’or faudrait-il aujourd’hui pour m’ouvrir les perspectives enchanteresses que mes soixante-douze francs me montraient à l’horizon ! Quels coussins moelleux, quelle calèche royalement équipée vaudraient la dure banquette d’impériale sur laquelle j’entrai à Paris !

Je me souviens qu’il faisait un brouillard épais à travers lequel le soleil essayait péniblement de faire passer ses rayons ; j’avançais tant que je pouvais ma tête hors de la capote pour découvrir plus vite la ville tant rêvée ; je cherchais du regard les monuments, les palais, les boutiques, en me demandant si les maisons n’étaient point en marbre, et si le Val-de-Grâce et le Panthéon, dont les ardoises brillaient au soleil malgré le brouillard, n’étaient point illuminés.

— « Voilà donc, me disais-je le cœur gonflé de joie, le pays magique où je vais vivre un an ! »

Assurément le bifteck que je dévorai le soir, rue de l’Ancienne-Comédie, me parut