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meilleur que les chapons truffés par ma mère. Je mangeai des huîtres, aussi, pour célébrer dignement un si beau jour.

Puis je me mis à arpenter les rues au hasard, à regarder les femmes, que je trouvai toutes belles comme des houris, et les boutiques, qui me parurent renfermer mieux que les richesses de Golconde.

Je marchais, je marchais, détournant les rues, les carrefours et les passages, revenant sur mes pas, m’engageant au hasard dans les ruelles ; je voulais ce soir-là même, et sans plus attendre, posséder Paris tout entier. Je traversai les ponts, je parcourus la Cité, je m’égarai dans le quartier des Halles, je gagnai les boulevards et le faubourg du Temple, et, enfin, après cinq ou six heures de marches et de contre-marches, je tombai en plein Palais-Royal.

C’était alors le beau temps des galeries de bois. Qu’on se figure mon ébahissement au milieu de la population étrange qui les remplissait vers onze heures du soir ! Je me crus en enfer ; mais je n’avais point peur du diable et j’allais de l’avant comme entraîné par un tourbillon. J’écoutai les lazzis, les propos cyniques, je me heurtai aux angles des boutiques, et je fus coudoyé par tous les passants, sollicité par toutes les impures. Bref, quand je me couchai à minuit passé, dans le lit de sangle de ma