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chambre à dix francs par mois, j’étais ivre de mouvement et de bruit.

Trois mois après cependant, je savais mon Paris par cœur. En ce temps-là on y vivait à meilleur compte qu’aujourd’hui. Toutefois avec soixante-douze francs par mois on n’était pas un Crésus. J’ai dit que je payais ma chambre dix francs ; je donnais, en outre, deux francs à ma portière, qui cirait mes bottes. Mon déjeuner me coûtait dix sous, moyennant lesquels j’avais une livre de pain, deux œufs et du fromage ; mon dîner me coûtait dix-huit sous, et je mangeais copieusement, je vous assure ! Il me restait donc douze sous pour les menus plaisirs et… l’entretien.

Pour être sincère, je dois dire que cette dernière charge ne me pesait pas beaucoup. Ma mère avait veillé à ce que j’arrivasse pourvu de linge, de hardes et de chaussures. Mes habits m’allaient mal et protestaient contre la mode ; mais dans ce temps-là les étudiants ne se piquaient point d’élégance. D’ailleurs j’avais assez bonne opinion des grâces de ma personne pour ne point souffrir de mon costume.

Je portai des bérets aux couleurs éclatantes, je reniai les bretelles, et je me donnai des allures romantiques. C’est ainsi que je devins un des héros du Prado, et le plus bel échantillon du peuple de la rue des Grès.

Je ne sais pas encore comment il se fit que