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je pus réaliser, économiser ou emprunter une somme assez forte pour aller au bal de l’Opéra le samedi gras de 1829, avec une demi-douzaine de camarades et leurs maîtresses. Le fait est, cependant, que j’y allai.

Le caleçon de tricot que j’avais fait teindre en rouge me faisait un superbe maillot collant. Je m’étais procuré en outre, moitié par emprunt, moitié par louage, des souliers à la poulaine, une écharpe aux couleurs éclatantes, puis une veste de velours brodée de paillon qui faisait merveille. Mon béret le plus neuf, une chemise artistement chiffonnée, un col brodé à longues pointes, comme les femmes en portaient alors, et que ma mère m’avait chargé de remettre à une de ses amies, complétaient le costume.

Je me trouvais magnifique de couleur et d’élégance. Et il me sembla voir dans les regards des compagnes de mes amis que je n’avais pas tout à fait tort. »


En ce moment, nous levâmes les yeux sur l’avocat général pour nous le représenter avec trente ans de moins, des cheveux noirs et son pittoresque costume. Nous entrevîmes, en effet, un beau garçon, bien découplé, aux yeux vifs, aux dents blanches, aux grands traits réguliers, à la physionomie intelligente et ouverte, et nous comprîmes que le maillot rouge, la