Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/106

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Le domino me prit par le bras et m’entraîna dans un corridor avec une sorte d’autorité. Quand je fus assis sur un coin de banquette, et lui à côté de moi, il me dit :

— « Que vous êtes heureux !… Vous vous amusez donc vraiment, franchement, sans arrière-pensée ?… Je payerais cher pour pouvoir en faire autant un seul jour ! Mais cela ne se paie pas avec de l’or, et même c’est en vain que je dirais que j’offre dix belles années de ma jeunesse en échange d’un mois de liberté, de folie et d’oubli…

— « Mais, repris-je, pourquoi ne vous amusez-vous pas aussi ? Il ne fallait pas vous habiller d’un domino si noir ? Voulez-vous danser ? »

Je vis, à travers les trous de son masque, briller ses yeux qui s’attachaient fixement sur moi.

— « Quel âge as-tu ? me demanda-t-elle brusquement.

— « Vingt ans.

— « Que fais-tu ? quel est ton état, ta position ?

— « Je suis étudiant en droit.

— « Tu n’es pas Parisien, je crois le reconnaître à ton accent.

— « Je suis d’Angoulême. Mais nous n’avons pas d’accent à Angoulême ! la preuve, c’est qu’on y vient de Limoges et de Bordeaux pour apprendre à parler français. »