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dirent songeur. « Au fait, me dis-je, cette femme était peut-être laide, en effet !… Je ferai mieux d’aller souper chez Charlotte. D’ailleurs, quand je battrais la salle et le foyer, je ne la rattraperais sans doute pas… Bah ! »

Le résultat de ces réflexions fut un bel entrechat que j’exécutai à la satisfaction de mes amis. L’orchestre préludait à un quadrille infernal, je le dansai pour me consoler tout à fait, puis, après, je suivis Charles et Alfred, les mains dans mes poches et en fredonnant.

Toutefois, cette insouciance apparente cachait une préoccupation réelle. Pour la première fois de ma vie je me surprenais rêveur. L’inconnu m’attirait ; je ne pouvais détourner ma pensée de ce domino si noir et si bien caché.

« C’était probablement une vieille femme laide, répétais-je… — Oui, mais aussi c’était peut-être une grande dame riche, titrée, belle, jeune, qui sait ?… »

J’affichais de mon mieux la gaieté. Au fond de mon cœur, cependant, gisait un regret d’autant plus irritant qu’il n’avait pas de formule nette. Je tourmentais dans la poche de mon gilet la bienheureuse pièce de cinq francs, et je regardais autour de moi de tous côtés, perçant la foule de mes plus ardents regards et me répétant : « Qui sait ?… Mais qui sait ce que c’était ?… »

Adieu l’insouciance, l’envie de rire et de