Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reprit-elle, comme pour couper court à un douloureux examen de conscience.

Et elle ajouta, avec un adorable accent de tendresse et de reconnaissance :

— « Peut-être avais-je le pressentiment que je te rencontrerais, et que tu me ferais passer les plus belles heures de ma jeunesse…, de ma jeunesse bien vite finie.

— « Elle commence !

— « Tu crois ? »

Elle resta songeuse.

— « Je suis vieille pourtant par les années… J’ai trente ans, sais-tu ?

— « Je t’en donne vingt comme à moi !

— « C’est vrai… Tu ne penses pas parler si juste, reprit-elle. Eh bien ! c’est précisément parce que depuis une heure tu me rends mes vingts ans, que je suis si heureuse… Il faut ne les avoir plus pour sentir ce bonheur… Sais-tu la ballade d’Uhland ?

Ah ! mes vingt ans, mes vingt ans si tôt passés,
Vous ai-je vécus ou bien vous ai-je rêvés ?…

— « Tu me l’apprendras ?

— « Non, j’aimerais mieux te faire bien sentir le bonheur et les délices de ton âge.

— « Tu m’aimeras, alors ?

— « Pas comme tu l’entends… Mais je t’apprendrai à en aimer une autre… un jour !

— « Ce n’est plus possible à présent.