Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/125

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tantôt en faisant allusion à quelque partie qu’elle semblait se proposer de faire avec moi, tantôt me rappelant d’un mot que cette soirée serait unique ; mais toujours d’une voix vibrante de plaisir, ou voilée par le regret.

— « Raconte-moi ta vie, me disait-elle. Quelquefois je m’y mêlerai par la pensée ; il me semblera que je prends ma part d’un joyeux dîner fait avec tes amis ; à force d’imagination je me persuaderai que c’est moi qui danse avec toi au bal sous la figure d’une gentille grisette. Je me promènerai en rêve dans la mansarde que tu m’auras décrite, et je croirai habiter près de toi. »

Je lui répondais par d’autres questions qu’elle semblait ne pas entendre.

— « Et moi, disais-je, crois-tu donc que je ne saurais pas aussi, par la pensée, vivre de ta vie ? Mais, plus audacieux, je m’y glisserais en réalité. Habites-tu Paris ? — Tu me verrais passer au bout d’une certaine rue, à l’heure où tes yeux se tournent de ce côté ; tu me rencontrerais sur ton chemin, et je trouverais moyen à toute heure du jour de te faire savoir que je t’aime. — Habites-tu la campagne ? — Oh ! alors, comme je saurais bien arriver jusqu’à toi ! en gravissant les murs, en sautant les haies ou les fossés, en grimpant sur les arbres… »

Elle m’embrassait sans rien dire ; mais, de