Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur une chaise, en face de moi. Je voyais bien de mes yeux mon pantalon de tricot collant, la veste brodée que j’avais louée rue de l’Ancienne-Comédie, l’écharpe multicolore, mon béret et le grand col brodé par ma mère : tous ces débris qui, réunis sur ma personne, avaient formé un si triomphant ensemble. Mais quoi ! rien ne restait qui me parlât de ma rencontre avec une femme adorable, du souper joyeux, de la course en voiture…, rien ! — si ce n’est que mon cœur battait fort, que je me sentais heureux d’un bonheur jusqu’alors inconnu, et que j’avais retenu le nom de Marguerite.

Je me levai en chantant ; je m’habillai pour courir à l’école, gaiement et fièrement comme un adolescent qui est devenu un homme. Mais, au moment de sortir de ma chambre, je jetai un regard sur mon brillant costume, et je ne pus résister au désir de le revêtir encore une fois pour me contempler dans tous mes avantages.

À l’école, Charles et Alfred me demandèrent des nouvelles de ma bonne fortune. J’avais l’air si fier et si heureux qu’ils voulurent me faire parler. Mais je résistai héroïquement, — je dis héroïquement, car la résistance me fut cruelle, — et je compris alors combien il est difficile d’empêcher le cœur de déborder par certains moments de bonheur trop vif.

En rentrant chez moi, je me félicitais de ma