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Elle ne se dégageait pas de mon étreinte, elle ne me parlait pas, mais, rouge et tremblante, elle me rendait mes baisers.

Toutefois, après un rapide mouvement d’oubli, je vis la volonté triompher de la passion dans son âme troublée. Elle se dégagea doucement et s’assit sur le pied de mon lit, car mes trois chaises étaient couvertes de livres et de hardes. Je m’agenouillai à ses pieds et saisis ses deux mains en levant vers elle un regard où avait dû passer toute l’éloquence de mon amour.

De rouge elle était devenue pâle ; ses mains se refroidirent et cessèrent de presser les miennes, ses yeux restèrent un moment fixes et sans regard, puis deux larmes silencieuses roulèrent sur ses joues.

Je la laissai pleurer, car il me sembla que ces larmes la soulageaient ; elles coulèrent bientôt abondamment, et je les sentis sur mon front. Puis elles se tarirent. Marguerite s’essuya les yeux et me regarda.

— « Cher enfant, dit-elle, tu dois me croire folle ? »

Ce tutoiement, qu’elle reprenait simplement, me remplit de joie. Ce n’était plus alors une banale familiarité de bal masqué, c’était une caresse :

— « Mais, continua-t-elle, si tu savais quels vertiges saisissent parfois une femme, quand elle voit une moitié de sa vie écoulée sans bon-