Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/136

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heur, sans amour, sans gaieté, sans toutes ces choses délicieuses qu’on ne saurait détailler, et qui se résument d’un mot : la jeunesse ! Vois-tu, il vous prend par moment une soif inextinguible des choses inconnues, un impérieux besoin de goûter au breuvage enivrant, une tentation folle de chercher le bonheur d’où qu’il vienne.

« Peut-être étais-je en proie à un accès de cette fièvre, le soir où en revenant de dîner chez une vieille parente, comme je passais devant les portes de l’Opéra, il m’a pris tout à coup envie d’y entrer, de me précipiter dans cette cohue, et d’y chercher… quoi ?… je ne le savais pas ! — Non, en vérité, je n’en avais pas l’idée, et si la voix de ma conscience m’eût interrogée, je me serais arrêtée peut-être, mais je n’aurais pas répondu.

« Tu vois, Louis, que je me confesse à toi ; je mets sous mes pieds l’orgueil comme la fausse honte. C’est que précisément je ne veux pas me laisser vaincre ! Je ne veux pas subir ce funeste entraînement des femmes qui, voyant leurs belles années disparaître, se rattachent à la jeunesse comme les moribonds à la vie. Non, je sais trop quels sont mes devoirs envers les miens, envers toi, envers moi-même… Et si je suis ici, c’est que je suis sûre d’avoir triomphé ! »

En disant ces mots elle releva la tête, et me regarda loyalement en face.