Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/137

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— « Mais, reprit-elle, il faut bien vivre de quelque chose !… il faut bien cacher dans un coin de son cœur une secrète joie…, sans cela on succomberait au désespoir… J’ai capitulé avec ma conscience, et je suis venue, Louis, te faire une proposition étrange, folle peut-être, mais sincère. Écoute-moi bien, et vois si tu veux l’accepter.

— « Tout ! m’écriai-je, tout ce que tu voudras ! dispose de ma vie, pourvu que tu me laisses t’aimer !

— « Veux-tu, reprit-elle, me laisser t’aimer, moi aussi ?… Mais à ma façon ; d’une tendresse pure, et qui ne te demanderait rien en échange, qu’un peu de confiance ? Tu me conterais tes joies, tes chagrins, tes espérances, et même tes amours. Moi je viendrais quelquefois, comme ce matin, oublier dans ta chambre d’étudiant les douleurs qui m’étouffent. Je ne voudrais accepter de toi aucun sacrifice, car mon bonheur serait de te voir heureux par tout ce qui rend heureux à ton âge. Tu ne songerais jamais à me parler d’amour. Moi, me sachant en sûreté, je n’aurais pas besoin de veiller sur mes moindres paroles ; je ne craindrais pas d’abandonner, sans défiance, la clef de mon cœur à un enfant adoré…

— « Je t’aimerai donc sans espérance, puisqu’il le faut ! dis-je avec une résignation que le bonheur présent rendait facile.