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tirer d’un fourré où s’accrochait à chaque pas la robe d’organdi de Marguerite ; puis enfin, après mille peines, et au sortir d’un taillis inextricable, nous nous trouvâmes dans une étroite clairière, sous un bouquet de chênes haute-futaie qui semblaient avoir été oubliés là depuis le temps du roi Saint Louis.

Marguerite était fatiguée de sa lutte contre les broussailles ; elle s’assit à l’ombre. Moi, je me couchai à ses pieds, posant ma tête sur ses genoux ; puis nous restâmes ainsi immobiles et silencieux dans cette solitude où ne parvenait aucun bruit de la route, où personne ne semblait avoir passé, tant les herbes étaient hautes et les abords fermés par le taillis. Nous écoutions avec ravissement le bourdonnement des insectes et, de temps en temps, un gai gazouillement d’oiseau.

Le temps passait. Que nous étions heureux !… mon cœur nageait dans une indicible volupté ! ma seule appréhension…, ma seule pensée survivante au milieu de cette pure ivresse, c’était que Marguerite ne tirât sa montre…, sa redoutable montre…, et ne me dît : « Il faut partir ! »

Elle ne songea pas à regarder l’heure, elle ne rompit pas le silence… Quel moment dans ma vie ! Quel souvenir !…

Je mettais ses mains sur mon front, et il me semblait y deviner un léger tremblement qui