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en moi. Parfois elle souriait de satisfaction, parfois elle fronçait légèrement les sourcils et m’adressait une question inattendue, comme pour saisir au passage mon premier sentiment.

Combien de fois, ce jour-là et d’autres, n’ouvrit-elle pas à mon esprit des horizons nouveaux ? C’est elle qui a éveillé les meilleurs instincts de mon cœur. C’est elle qui m’a fait connaître les lois du véritable honneur. En même temps elle m’apprenait la vie. Je lui dois d’avoir acquis une sorte d’expérience sans la payer de mes illusions.

Mais quelle joie c’était quand nous nous rencontrions dans la même pensée ! quand un même choc faisait jaillir de nos intelligences ou de nos cœurs une double étincelle ! Et de fait, est-il au monde un bonheur plus vif et plus complet que celui-là ?

Je me souviens d’une nouvelle de Balzac, Massimilla Doni, dans laquelle apparaît un certain duc vénitien, fou de musique, et d’ailleurs détaché de toutes les passions humaines, qui cherche l’unisson comme jouissance suprême, et jette sa fortune, par lambeau, au chanteur dont la voix peut, à une seconde précise, se confondre parfaitement avec le son d’un instrument.

C’est l’unisson aussi que cherchent en amour toutes nos aspirations. Mais combien de fois le rencontre-t-on dans toute la vie ?