Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/159

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essaie de faire jaillir du choc de vos regards cet éclair du bonheur dont tant de fois nos yeux ont retenu l’étincelle…

« Tu ne le pourras plus jamais ! Au fond de ton cœur j’installe en partant un souvenir qui te gâtera les plus belles amours : ce sera ma vengeance à moi !

« Mais ne dirait-on pas que je triomphe ?… Et moi donc, t’oublierai-je ?… — Pas plus qu’on n’oublie le soleil dans les steppes glacés de la Sibérie, pas plus qu’Ève n’oublia le paradis lorsqu’elle se trouva sur la terre, jetée au milieu des rochers… Vois-tu, ne crois pas à mon orgueil. Je pleure à sanglots en écrivant ces lignes hautaines… Je me jette sur quelques fleurs sèches, épaves de nos jours heureux, je les baise avec transport…

« Tiens ! quand tu seras parti, que j’en serai bien sûre, j’irai peut-être hanter comme un fantôme ces allées du bois de Vincennes que nous avons parcourues ensemble…

« Et ta chère petite chambrette !… Que ne puis-je l’arracher de cette vulgaire maison de la rue des Grès, l’emporter, l’enchâsser dans des fleurs, la cacher dans un lieu inaccessible, et y passer toutes les heures que je pourrai voler à mon esclavage…

« Ah ! comme je t’aimais, et comme je vais être malheureuse ?… Du haut de mon rêve je tombe au milieu d’un désert dont tous les