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M. et Mme de Morelay ne sont point des amants qui font l’école buissonnière, ni de jeunes époux qui promènent en Italie le premier quartier de leur lune de miel. Ils ont, l’un et l’autre, passé les plus belles années de la jeunesse et les printanières ivresses de l’amour. Le comte a quarante ans sonnés ; la comtesse a bien trente-cinq ans, quoiqu’elle soit, en ce moment, resplendissante de fraîcheur et de beauté.

Tous deux reviennent de Rome, où la comtesse a dû passer l’hiver pour se remettre d’un commencement d’affection pulmonique survenu après des fatigues mondaines. À les voir ainsi rêveurs et silencieux, on ne dirait pas des amoureux en extase, ni des époux indifférents et ennuyés, mais on dirait un couple heureux et dès longtemps accoutumé à une vie sans secousses.

En effet, ils avaient la richesse, cette première condition, qui ne fait pas le bonheur, mais qui lui permet au moins d’approcher. Mariés depuis dix ans, ces dix années leur semblaient un rêve, tant elles avaient vite passé. Le comte était instruit, aimable, et jouissait, dans son milieu, d’une grande considération. La comtesse, jolie, intelligente, pleine de grâce et de talent, n’avait trouvé dans la vie que des fêtes et des sourires. Elle aimait son mari, ou, du moins, elle n’avait jamais été tentée d’en aimer un autre, — soit