Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/245

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trop ardente maîtresse n’était point une conquête vulgaire. Mille protestations éloquentes lui venaient à l’idée, mais la passion et l’exaltation de sa tête lui fermaient la bouche ; elle devenait timide et interdite par la peur de mal rendre ce qu’elle ressentait. Et puis, est-ce par des paroles que l’on convainc de certaines choses ?

Elle voulut écrire ; mais ce que l’on ne sait pas dire, il est difficile de l’écrire souvent. La pauvre femme refit dix fois sa lettre.

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« Sais-tu que je crois vivre au pays des rêves ?… et qu’il me semble qu’un sylphe ou un archange m’entraîne avec lui dans des sphères bienheureuses où règne une ivresse éternelle ? je vis en toi depuis que nos yeux ont échangé un premier regard ; rien de ce qui avait servi jusqu’alors de mobile à mes pensées et à mes affections ne subsiste plus dans mon cœur. Ton amour est comme un tour billon qui a tout emporté. Pourtant je croyais les liens qui m’attachaient à la vie sociale des liens sacrés, je croyais à mes devoirs, et si quelqu’un eût exprimé le soupçon que je pouvais un jour les trahir, j’eusse protesté d’un cri d’indignation. Ah ! grand Dieu !… Devoirs, affections de famille, liens sociaux, qu’est-ce donc aujourd’hui que tout cela pour moi ? Je