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L’avocat général était un des habitués les plus assidus et l’un des meilleurs causeurs. Il avait ce qu’on appelle « un certain âge ; » mais sa belle figure portait bien les années.

« Eh bien donc, dit-il, voici mon roman :


J’avais vingt ans lorsque mon père m’envoya terminer mon droit à Paris. Je venais de faire deux ans d’études à Poitiers, et Paris m’apparaissait comme le paradis.

Dans ce temps-là, les chemins de fer n’existaient point, et les diligences n’étaient pas encore arrivées à leur dernier perfectionnement. Aussi la capitale, moins connue, devenait-elle pour les provinciaux une sorte de ville enchantée. On n’avait pas déjeuné à Angoulême et dîné à Paris le même jour ; mais, en partant d’Angoulême comme je fis un mercredi matin, on arrivait rue Notre-Dame-des-Victoires, dans la cour des Messageries royales, le samedi vers midi.

J’ai dit que j’étais parti d’Angoulême parce que je venais de chez mon père, où j’avais passé les vacances, après ma seconde année de droit. Mon père ne pouvait souffrir l’idée de me voir aller affronter les dangers de la vie parisienne. — « Vie de perdition ! » s’écriait-il ; — car lui aussi il avait fait son droit dans le quartier Latin. Mais je travaillai tant et si bien à lui persuader que je deviendrais un grand