que de ce côté-ci du Rhin. C’est le courage devant l’absolu qui est rare… L’absolu enivre tellement Fichte qu’il va jusqu’au dogme : il devient sacerdote, il est en pleine révélation. Étonnez-vous après cela que le peuple allemand, tombant du christianisme dans la philosophie de l’absolu, c’est-à-dire toujours dans la religion, se soit montré, en 1848, si peu pratique, si peu amoureux de la liberté, si faiblement révolutionnaire. » On reconnaît bien ici le langage d’un descendant de ces Gaulois qui ne craignaient rien, même la foudre du ciel : la couardise allemande, le caporalisme allemand, le panthéisme allemand (c’est-à-dire cette sorte d’ivresse de l’absolu qui mène à l’absolutisme : Hegel divinise l’État), ne pouvaient qu’exaspérer ce Franc-Comtois, petit-fils d’un paysan-soldat et fils de ce simple héros dont il nous raconte, dans La Justice, le tranquille courage, tout antique, devant la mort. Il faut évidemment, pour comprendre Proudhon, ne jamais perdre de vue cette filiation gauloise, paysanne et guerrière : l’audace gauloise, le défi gaulois au ciel, avec ce je ne sais quoi de jactance, d’ironie et de folle bravoure dont Victor Hugo a composé son gamin de Paris, l’immortel Gavroche, vous les retrouverez dans ses cris de guerre : la propriété, c’est le vol ; Dieu, c’est le mal. C’est le défi prométhéen de l’homme bravant Dieu et toutes les puissances du ciel et de la terre ; et voyez sa doctrine de l’immanence de la Justice : elle procède de la même source. Il n’est pas de peuple, en effet, qui, en un sens, soit moins religieux que le peuple français et qui puisse plus facilement se reposer sur lui-même, vivre sur son propre fonds, sans adjuvants extérieurs et secours surnaturels ; ce peuple est impie, naturellement ; il n’est pas athée ; l’athéisme suppose une humeur sombre, un fanatisme de l’absolu, qui ne sont pas de lui ; et ce
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