pullulent les Bournisiens et les Homais, et qui, cependant, est le plus libre d’esprit, le plus fanatique de la liberté d’esprit ; où la tradition gauloise et libertine chevauche perpétuellement la tradition précieuse, romanesque ou mystique, le plus clérical et le plus anticlérical, le plus chrétien (il compte même un saint parmi ses rois et il a fait, dit Renan, de la royauté un huitième sacrement) et le plus païen, le plus pacifiste et le plus belliqueux, le plus patriote et le plus antipatriote, le plus conservateur enfin et le plus révolutionnaire.
Et voyez. Tous ces contrastes qui composent la figure de la France éternelle, nous les trouvons pour ainsi dire concentrés dans celle de Proudhon. Le plus grand polémiste révolutionnaire que la France ait produit, ai-je dit ; mais ce révolutionnaire peut passer pour un grand écrivain conservateur et l’un des maitres de la contre-Révolution au xixe siècle ; et l’Action française en janvier 1909 a pu, sans trop de scandale, déposer une couronne sur sa tombe alors que le socialisme unifié s’abstenait de célébrer sa mémoire, – abstention dont on ne peut d’ailleurs que le féliciter, car, en vérité, entre Proudhon et le socialisme unifié, non seulement il n’y a rien de commun, mais il y a des abîmes. Et, de fait, il n’a partagé aucun des préjugés de la démocratie révolutionnaire. Il n’est pas romantique : il compare le romantisme à la scrofule : il l’appelle un dilettantisme ramollissant, qui a fait de nous, Français, qui étions les pionniers de l’Idée, les chevaliers de l’Idéal, et cette opposition de l’idée à l’idéal, toute classique, et que Maurras aujourd’hui aime à reprendre, est bien caractéristique. Il n’est pas féministe : courtisane ou ménagère, tel est son dilemme ; il souhaite, à l’usage de notre temps, une seconde édition de la satire de Boi-