Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 1, 1912.djvu/26

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pensez surtout à cette figure extraordinaire de Jeanne d’Arc, figure unique au monde, Jeanne d’Arc, la paysanne lorraine, l’humble pastoure, la vierge guerrière, symbole éternel de ce christianisme rural et paroissial de la vieille France rurale et militaire. De ce christianisme essentiellement rural, Proudhon, certes, n’est plus l’adversaire, il en est même un des plus magnifiques représentants, et l’on retrouve en lui, évidemment, toute la substance de ce qui compose, à travers les siècles, la figure éternelle de la France éternelle, de la France qui a produit, ce peuple qu’on dit léger et superficiel, saint Louis, Jeanne d’Arc, Corneille et Pascal, de la France chevaleresque et héroïque, héritière à la fois de la tradition antique et de la tradition catholique, de la France très chrétienne et très révolutionnaire.

Écoutez plutôt l’accent de ces lignes, que j’extrais d’une admirable lettre écrite à un ami qui se décourageait (Correspondance, t. XIII, p. 217) : « … Seriez-vous donc de ces gens pour qui l’existence de l’homme n’a qu’une fin : produire, acquérir et jouir ? Ni l’un ni l’autre. Il faut travailler, parce que c’est notre loi, parce que c’est à cette condition que nous apprenons, que nous fortifions, disciplinons et assurons notre existence et celle des nôtres. Mais ce n’est pas là notre fin, je ne dis pas transcendante, religieuse ou surnaturelle, je dis même fin terrestre, fin actuelle et tout humaine. Être homme, nous élever au-dessus des fatalités d’ici-bas, reproduire en nous l’image divine, comme dit la Bible, réaliser enfin sur terre le règne de l’esprit, voilà notre fin. Or, ce n’est ni dans la jeunesse, ni même dans la virilité, ce n’est point par les grands travaux de la production et les luttes d’affaires que nous pouvons y atteindre ; c’est, je vous le répète, à la complète matu-