résument son œuvre. Vous savez combien c’est insuffisant, combien c’est faux, vous savez même ce qu’il faut entendre dans ces cris. Vous savez que la première critique proudhonienne de la propriété a abouti à une des plus fortes défenses de la propriété qui aient jamais été faites ; vous savez également que, parmi les écrivains du xixe siècle, Proudhon est un de ceux qui ont eu la plus profonde intelligence du catholicisme. Mais il n’en reste pas moins que Proudhon est un fils de la Révolution, un enfant perdu de 1789, et qu’il a eu la foi révolutionnaire. Et, néanmoins, c’est un constructeur. Même avec sa foi révolutionnaire, il construit, il a la passion de la construction, de la vie organisée, ordonnée, disciplinée. Même dominé par les idées directrices de la révolution, au point qu’il donnera à sa Théorie de la propriété cette conclusion que le droit du propriétaire est juste et nécessaire parce qu’il assure la Liberté (et il écrit le mot Liberté en lettres capitales, et il l’entend au sens révolutionnaire) ; même dirigé, inspiré, soulevé par l’enthousiasme révolutionnaire, il s’oppose de toutes les forces de son sang, de toute la vigueur de sa pensée, à l’anarchie issue de 1789. Et voilà la vérité qui nous apparaît. Proudhon, c’est la France éternelle qui subit au xixe siècle l’anarchie intellectuelle du xviiie, qui continue de répéter les paroles insensées imposées à sa mémoire, mais dont les mains paysannes, ouvrières, formées par le labeur aux arts de la vie, reproduisent les gestes traditionnels du travail et dont l’intelligence, disciplinée par les siècles, recherche l’ordre dans ce monde nouveau ou elle n’aperçoit plus que les signes du désordre.
Eh bien ! Messieurs, cette angoisse, cette recherche de Proudhon, ç’a été la nôtre, et je dis plus, c’est la nôtre encore. Nous avons été dans la même anarchie