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lettre de rené de marans

Pour quelqu’un vivement préoccupé par les questions que je viens de dire, la découverte de l’œuvre de Sorel devait avoir, en ce qui concerne la compréhension du mouvement ouvrier et du syndicalisme, et l’attitude à garder vis-à-vis d’eux, une importance de premier ordre.

Sorel faisait de l’exégèse marxiste, et sans pitié pour l’idéologie des innombrables professeurs et glossateurs qui avaient trouvé dans l’étude du marxisme une carrière, sans pitié pour l’idéologie de Marx lui-même, Il s’attachait dans le marxisme à ce que celui-ci avait d’abord prétendu être, la simple interprétation du mouvement prolétarien. Et lui, ce grand intellectuel, ce bourgeois, cet ingénieur des Ponts et Chaussées, il savait se tenir à cette simple interprétation, il savait ne point donner des enseignements, mais au contraire en prendre, regarder, noter et conclure. Séparant peu à peu l’étude du mouvement ouvrier de toute préoccupation qui lui était étrangère, il nous montrait les conditions de vie et de développement de ce mouvement il fallait qu’il fût libéré des influences politiciennes et des idéologies bourgeoises. Comment faire comprendre maintenant l’importance de ce petit chef-d’œuvre qu’est l’Avenir socialiste des Syndicats ? « Tout l’avenir du socialisme, disait Sorel, réside dans le développement autonome des syndicats ouvriers », et il nous montrait les syndicats « vidant » peu à peu l’État. Mais cet avenir du socialisme ramené au développement des syndicats ouvriers, ce n’était plus le socialisme, parce que toute l’idéologie avait disparu, c’était déjà autre chose, c’était le syndicalisme. Et quant à vider complètement l’État, nous savions bien que cela ne se pouvait, mais après avoir lu l’Avenir socialiste des Syndicats, on était sûr que le syndicalisme limiterait l’État,