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notre première année

n’importe pas. Le souffle de l’œuvre proudhonienne est syndicaliste, je veux dire égalitaire. Or, le syndicalisme révolutionnaire est une philosophie politique de l’égalité. C’est une transformation totale que souhaite l’auteur de la Création de l’ordre dans l’humanité et de la Capacité des classes ouvrières. Les moyens d’action ont leur valeur dans la doctrine de Proudhon, certes, mais en proscrivant les grèves. Proudhon était de son temps, et c’est avec les circonstances et les idées de son temps qu’il faut le confronter. L’idée de faire des grèves un moyen normal de lutte contre le patron et l’État est assez récente et, à certains symptômes, on pourrait même se demander si elle ne fléchit pas un peu dans les milieux syndicalistes révolutionnaires qui l’ont mise en honneur.

De son temps, on ne se méprit pas sur le vrai caractère de Proudhon, qui fut universellement considéré comme un socialiste, un adversaire de l’État et du capitalisme, le théoricien de l’anarchie et du fédéralisme, une sorte de déicide et de régicide. Ne l’édulcorons pas. Il épouvanta le vieux monde : qu’il reste effrayant ; comprenons-le comme il a voulu être compris et comme il fut compris. Sous prétexte d’analyse, ne l’arrachons pas à ceux à qui il tient par ses origines, par sa volonté, par sa vie, par toutes les curiosités de son vaste esprit, par ses ambitions avouées, par son action, par ses sympathies les plus intimes. Il est plébéien. Laissons aux sophistes des partis de conservation et de réaction le plaisir malsain d’infliger à ce grand homme héroïque, qui fut passionné d’égalité, à ce plébéien de génie je ne sais quelles palinodies malséantes et sacrilèges. Étudions Proudhon avec l’esprit de son temps, le sien. Toute autre attitude est injuste, immorale et inintelligente. J’avoue que le « Cercle Proudhon » fondé par l’Action française me répugne affreusement. C’est une violation de sépulture…

Non, monsieur Maxime Leroy, c’est une exhumation. C’est vous et vos pareils qui aviez enterré Proudhon, et tous nos lecteurs savent maintenant pourquoi vous étiez assis sur sa tombe, avec la terreur qu’il ne sortît. Vous l’avez dit : il épouvante le vieux monde. Ce vieux monde, c’est le vôtre.

M. Henri Dagan. — Ne nous attardons pas avec ces croque-morts. Nous allons rencontrer des gens spirituels. M. Henri Dagan, qui dirige la Démocratie sociale, a présenté le Cercle Proudhon à ses lecteurs. Il a reproduit notre première déclaration en y cherchant, sans la découvrir, la part que les « syndica-