Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre fondamental pourrait troubler. Au surplus, veut-on sur cette grave question l’avis d’un homme d’expérience ? Voici : l’hiver dernier, un membre du Cercle fit connaître aux Lyonnais, au cours d’une conférence, les thèses de l’auteur des Réflexions. Il y ajouta ses observations personnelles. Il reçut peu après une éclatante confirmation qu’apporta un éminent prêtre lyonnais, i’abbé F. Charavay, aumônier du Patronage de Notre-Dame de la Guillotière, qui vit au cœur des œuvres et qui a fait de l’une d’elles une des plus fortes œuvres françaises. En mars dernier, l’abbé Charavay faisait à Lyon une conférence admirable qui, au point de vue religieux, venait compléter la précédente, faite au point de vue politique. C’est dans cette conférence, qu’a publiée depuis la Revue catholique des institutions et du Droit, que nous avons trouvé deux pages admirables qui constituent pour la thèse de l’auteur des Réflexions la confirmation actuelle de l’expérience :

Nous voulons, écrit l’abbé Charavay, nous voulons refaire une France chrétienne. Je dit refaire, je ne dit pas remplacer, quoique cependant ce soit – quelquefois et exceptionnellement un mal nécessaire. Mais rien ne serait plus funeste que de se pencher vers les enfants du peuple et de dire : « Je vais sauver ces enfants que la famille ne sauve pas », sans autre préoccupation. Non, il faut respecter l’ordre établi par Dieu. C’est dans la famille, c’en par elle que l’individu doit atteindre sa fin, ne l’oublions pas. Il faut donc faire des œuvres : elles étaient nécessaires autrefois pour aider la famille, elles le sont plus encore maintenant, puisque la famille ne remplit plus son rôle. Mais elles doivent travailler, non seulement à sauver les enfants, mais à rendre au père, à la mère, la connaissance de leurs devoirs et de leurs responsabilités, elles doivent s’efforcer de faire des enfants qui les fréquentent, des pères et des mères qui aient cette connaissance et qui soient capables de remplir leur mission. Pour tout dire d’un mot, elles doivent travailler à se rendre utiles, et être disposées à fermer leurs portes, lorsque, ayant refait des familles chrétiennes, personne n’aura plus besoin de leurs services. Autrement, nos œuvres manquent le but que Dieu leur propose ; elles n’exécutent pas le plan divin ; elles se trompent. Elles pourront peut-être sauver quelques individus, mais cela n’en rien si nous ne refaisons pas une société capable de les sauver par elle-même, c’est-à-dire des familles chrétiennes.

N’avons-nous pas ici un mea culpa à faire ? Il est expédient de se faire des compliments, car cela encourage, mais il est utile de se dire la vérité. Trop souvent, peut-être, ce sont des principes individualistes qui nous ont guidés dans nos œuvres. Voyant surtout des individus à sauver, nous n’avons pas assez vu les familles à refaire. Un court examen de conscience est ici nécessaire. Faisons-le sincèrement.

Nos adversaires multiplient leurs efforts pour désorganiser la famille ; leurs œuvres tendent toutes à ce but. Ils sont dans leur rôle et ne font qu’appliquer leurs principes. Mais ne pouvons-nous pas nous reprocher d’avoir répondu à ces efforts par des efforts dans le même sens ? Oh ! nous