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NOTICE SUR CALDERON.

ordinaires, les ressorts habituels de sa Comédie. Ainsi, dans une de ses pièces, un personnage obligé de se cacher dit au public : « Ceci semble à une comédie de don Pedro Calderon, et il doit nécessairement y avoir un cavalier caché ou une dame voilée. » Et ailleurs : « Eh quoi ! dit un valet témoin forcé d’un duel, était-ce donc là ce que nous devions trouver en arrivant à Madrid ? — Oui, mon cher, répond un autre, c’est une scène d’un poète grand ami des coups d’épée, etc., etc. » Et ailleurs, pour ses dénouemens : « Qu’est-ce donc ? » dit un personnage. À quoi l’autre : « Ce doit être, je parie, une de ces comédies de don Pedro Calderon, dans lesquelles les frères ou les pères arrivent toujours mal à propos. » Voilà bien, ce nous semble, tous les incidens que nous avons signalés comme se représentant d’une manière habituelle dans les comédies de Calderon (12).

Au reste, malgré tous ces incidens, ce mouvement, malgré ces voiles, ces cachettes, ces duels et ces surprises, rien de plus clair que les comédies d’intrigue de Calderon. On a beaucoup parlé, je le sais, de la difficulté qu’il y avait à suivre les pièces espagnoles ; et, en effet, cette difficulté doit exister pour une foule de pièces où les auteurs ont mis un nombre excessif de personnages qui passent devant les spectateurs sans qu’on puisse reconnaître ni leur physionomie ni leurs intérêts. Mais il n’en est pas ainsi avec les comédies de notre poète : malgré la richesse et la variété des ornemens, elles sont toutes — comme ces palais arabes qu’on voit encore en Espagne, — d’une architecture légère, aérienne, et, en quelque sorte, transparente.

Mais tandis que le hasard joue un rôle si important dans les comédies d’intrigue de Calderon, son action s’affaiblit, son pouvoir diminue dans les comédies sérieuses. À mesure que la pièce devient plus dramatique, les événemens, les incidens dépendent davantage des caractères, des passions, des intérêts des personnages (13). Il y a là, selon nous, tout à la fois une connaissance profonde des choses humaines, et un profond sentiment de l’art.

Calderon a suivi, en général, la poétique de Lope. Il a cependant un mode d’exposition qui lui est propre. D’habitude Lope expose son sujet en deux ou trois scènes d’action. Chez Calderon, au contraire, l’exposition se fait ordinaire-