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LA VIE EST UN SONGE.

estrella.

En vérité, il est ressemblant.

rosaura.

N’est-ce pas le mien ?

estrella.

Qui en doute ?

rosaura.

Maintenant demandez-lui l’autre.

estrella.

Prenez le vôtre, et allez-vous-en.

rosaura, à part.

Maintenant j’ai mon portrait, advienne que pourra !

Elle sort.
estrella.

À cette heure donnez-moi l’autre portrait que je vous ai demandé. Car, bien que je ne compte plus vous revoir ni vous parler jamais, je ne veux pas qu’il reste en votre pouvoir, par cela seul que j’ai eu la sottise de vous le demander.

astolfe, à part.

Comment sortir de cette situation embarrassante ? (Haut.) Je voudrais, belle Estrella, obéir à vos ordres ; mais cependant il m’est impossible de vous donner ce portrait, par la raison que je…

estrella.

Vous êtes un amant bien mal appris et bien grossier. Eh bien ! je n’en veux plus, de ce portrait ; car je ne veux plus me souvenir que j’ai pu vous le demander.

Elle sort.
astolfe.

Écoutez ! arrêtez !… Que Dieu me soit en aide, Rosaura !… Comment donc suis-je venu en Pologne pour me perdre et te perdre en même temps !

Il sort.



Scène II

Même décoration qu’à la première scène de la première journée.


On voit de nouveau SIGISMOND enchaîné et couvert de peaux de bête ; il dort couché à terre. Entrent CLOTALDO, CLAIRON et DEUX VALETS.
clotaldo.

C’est bien, laissez-le où il est. Son orgueil est revenu finir au lieu même où il s’est développé.

un valet.

Je vais attacher la chaîne comme elle était.

clairon.

Ô Sigismond ! ne vous réveillez pas, pour voir votre sort si différent et votre fortune évanouie ; pour voir que votre feinte gloire n’était qu’une ombre de la vie, et qu’une lueur de la mort.