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MAISON À DEUX PORTES.

Je suis obligé de sortir un moment, et je te quitte à regret… Allons, ne-sois pas si triste ; autrement j’en mourrai.

Il sort.
laura.

Ô ciel ! je ne la connais que trop la cause de mon mal : — la jalousie !… C’est elle qui a ainsi attristé ma vie, c’est elle qui m’enlève le repos et le sommeil, elle qui me déchire et me tourmente !… Oh ! si j’avais pu prévoir auparavant quelle était son inconstance, comme j’aurais repoussé ses hommages au lieu de lui donner une aussi haute place dans mon cœur !… Mais, hélas ! je ne savais rien alors des choses d’amour ; je ne savais pas qu’un amant qu’on favorise est un amant qui vous oublie… Maintenant il en aime une autre, et moi — je meurs !


Entre CELIA ; elle quitte sa mante.
celia.

Madame !

laura.

Qu’y a-t-il, Celia ?

celia.

Vivez, madame, vivez.

laura.

Que je vive, Celia ?

celia.

Je l’ai vu.

laura.

Qui ? don Félix ?

celia.

Oui, madame, lui-même.

laura.

Que tu es folle !… Pourquoi cela ?

celia.

Parce que nous en étions convenues ensemble, — que je le verrais.

laura.

Et qu’a-t-il dit ?

celia.

Vraiment, madame, sans me flatter, je me suis acquittée de mon rôle à merveille. — Écoutez-moi avec toute votre attention. — Mais je n’ai pas besoin de vous le recommander. — Je suis entrée chez lui et lui ai dit que, passant par hasard dans la rue, je n’avais pas voulu passer si près de lui sans le voir. — Alors avec un soupir qui aurait attendri un cœur de bronze, ému et troublé, il s’est informé de vous bien dévotement. Moi, j’ai parlé de votre colère contre lui, en ajoutant que, si vous appreniez que je fusse allé le voir, vous me tueriez. Sur ce il s’est plaint de votre sévérité inflexible. Moi, comme si cela fût venu de moi seule, je lui ai demande pourquoi il ne ve-