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JOURNÉE III, SCÈNE I.

Nice habite en secret son appartement ; je voudrais m’en assurer ; et, pour cela, il faut que tu me permettes de l’épier cette nuit par cette porte qui correspond chez lui, et qu’il a masquée, dis-tu, d’une tapisserie. Si tu me demandes comment je pourrai m’absenter de la maison, je te dirai que mon père est parti ce matin pour la campagne, et qu’il ne reviendra pas de quatre ou cinq jours. Ainsi, je puis sans péril profiter deux ou trois nuits de ton hospitalité, et tu m’accorderas, chère amie, cette grâce, à laquelle j’attache un si haut prix.

marcela.

Je ne saurais te refuser, Laura, d’autant que tu t’adresses à mon obligeance avec des raisons que j’ai invoquées naguère auprès de toi. Il n’y a qu’un seul obstacle ; mais si tu le lèves, établis-toi ici aussitôt que tu voudras ; cette maison est la tienne.

laura.

Cet obstacle, quel est-il ?

marcela.

Mon frère, qui est aussi affligé que toi, — peu importe que je le trahisse, nous devrions toujours, nous autres femmes, nous liguer contre les hommes, — mon frère est venu me demander tout-à-l’heure que je feignisse d’être mal avec lui, et que, sous ce prétexte, j’allasse te demander l’hospitalité pour quelques jours, afin de lui servir de surveillante auprès de toi. Si donc je n’allais pas chez toi, pour te faire ici les honneurs de la maison, il pourrait dire…

laura.

Cet obstacle n’en est pas un ; au contraire, je suis ravie… Tout s’arrange pour le mieux… Va, va vite chez moi… Lorsqu’il te saura à la maison, il aura moins de sujet de soupçonner que je sois chez lui.

marcela.

Tu as raison ; mon absence assure le succès de ta ruse.

laura.

Comment nous conduirons-nous ?

marcela.

Rien de plus aisé. — Donne-moi ma mante, Silvia. Tu diras à don Félix que je suis allée chez Laura, et que j’y suis allée de nuit, afin qu’il ajoute plus de foi à mon récit. (Bas à Silvia, pendant qu’elle met sa mante.) Tu chercheras Lisardo, et tu lui commanderas de ma part de venir me trouver là-bas ce soir, sans faute. (Haut.) Viens avec moi, Celia ; toi, Silvia, reste ici pour servir Laura. (À Laura.) Nous changeons de suivante, n’est-ce pas, en même temps que de maison ?

laura.

Quoi ! déjà ?