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JOURNÉE I, SCÈNE II.

le corrégidor.

Je suis blessé.

un alguazil.

Je suis mort !


Scène II.

Le rivage du Miño.
Entrent DOÑA JUANA et MENDEZ.
juana.

Tu m’as donné, Manuel, bien des preuves d’affection ; jamais tu ne m’en as donné une qui m’ait autant satisfaite que la promptitude de ton retour.

manuel.

Chère Juana, l’amour, qui protège mon bonheur, m’aplanit tous les obstacles ; je ne suis point allé jusqu’à Salvatierra, j’ai trouvé ce que je cherchais dans les profondeurs de ces montagnes ; c’est là qu’habite, dans une maison de plaisance, mon ami Louis Perez, dont la valeur est au-dessus de tous les éloges. Il semble qu’en fixant là sa demeure il ait d’avance consulté nos vœux et nos intérêts. Ici notre amour sera plus caché qu’à Salvatierra, et nous y serons mieux en sûreté.

juana.

Cher Manuel, celle qui a tout sacrifié pour toi, parents, patrie, réputation, et qui dans cette position est encore heureuse d’avoir sa vie à te donner, que peut-elle désirer de plus ? N’est-ce pas pour elle la plus douce joie de voir cette montagne sauvage devenue le temple de l’amour, de l’amour le plus constant et le plus dévoué ?


Entre DON ALONZO.
don alonzo.

Où donc me conduit mon destin ? par des sentiers non frayés, au milieu de ces bois, où le ciel ne m’envoie aucune consolation ! Le souffle et les forces me manquent ; épuisé, je n’ai plus qu’à me laisser tomber sur le sol ; je me meurs. Hélas ! que le ciel me protège !

juana.

J’entends du bruit.

manuel.

Il est vrai ; je vois un cavalier étendu par terre, et dont la main affaiblie semble ne pouvoir plus soutenir le poids d’une épée. Approchons-nous de lui. — Seriez-vous blessé, seigneur ?

don alonzo.

Grand merci, cavalier ; ce n’est que de la fatigue ; déjà je reprends haleine. Moi qui aurais disputé aux vents le prix de la rapidité, me voilà à terre sans mouvement.