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JOURNÉE III, SCÈNE I.

Mais si vous ne lui rendez pas son prisonnier, il vous fait savoir qu’il le délivrera par la force des armes. Déjà, dans ce but, une cité flottante de mille vaisseaux s’élève sur l’Océan ; il jure de venir promptement vous combattre et vous vaincre, et que, dans vos États baignés de sang, le soleil, cherchant en vain le soir les émeraudes qu’il aura éclairées le matin, ne verra plus que des rubis.

tarudant.

Ambassadeur comme vous, il ne m’appartient pas de vous répondre pour le souverain à qui vous vous adressez ; mais mon roi étant son fils, l’outrage que vous lui faites me regarde, et je puis m’expliquer pour lui. Vous direz donc de la part du roi de Maroc à don Alphonse qu’il peut venir ; et que dans le peu d’instants qui s’écoulent entre la nuit et l’aurore, il verra, grâces à nos cimeterres, ces champs, ruisselants d’une brûlante pourpre, faire croire au ciel que les œillets sont les seules fleurs qu’il ait répandues sur cette plaine.

alphonse.

More, si vous étiez mon égal, cette lutte dont vous parlez pourrait se réduire à un combat entre deux jeunes guerriers. Mais dites à votre roi, s’il a quelque désir de la gloire, de se présenter au combat ; le mien ne manquera pas de s’y rendre.

tarudant.

Vous avez presque dit que vous-même étiez le roi don Alphonse ; et s’il en est ainsi, Tarudant saura vous répondre.

alphonse.

Soit ! je vous attends en champ clos.

tarudant.

Vous ne m’attendrez pas longtemps. Je suis l’éclair.

alphonse.

Je suis la foudre.

tarudant.

Je suis la fureur.

alphonse.

Je suis la mort.

tarudant.

Vous m’entendez, et vous ne tremblez pas ?

alphonse.

Vous me voyez, et vous vivez encore ?

le roi.

Seigneur, vos altesses, puisque votre impatience a déchiré le voile qui couvrait de tels soleils, vos altesses ne peuvent sans mon agrément combattre sur mes terres ; et je m’y oppose, pour avoir le loisir de vous recevoir selon vos mérites.

alphonse.

Je n’accepte ni hospitalité ni politesse de ceux de qui je reçois des chagrins. Je suis venu chercher Fernand ; c’est pour le voir que