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uni et bien boisé, plateau herbu, où se voyaient de nombreux zihouas, desséchés en partie, et des pistes fraîches de grands animaux — éléphants et autres — dans toutes les directions.

Quand la nuit fut arrivée, nous mîmes du papier blanc à nos raïfles pour nous servir de point de mire, et nous allâmes nous embusquer au bord de l’un des étangs. Cachés dans les buissons, nous attendîmes pendant deux ou trois heures qu’un gibier digne de notre plomb se rendit à l’abreuvoir. Il ne se présenta que des hyènes, sur lesquelles nous ne voulûmes pas tirer de peur d’effrayer l’éléphant qui pouvait venir.

L’étape suivante nous conduisit à Ousékhé, village d’un autre chef indépendant, et conséquemment lieu d’un nouveau tribut. Mais inutile de revenir sur les ennuis qui, à chaque demeure de ces tyranneaux vous sont infligés par l’état d’ivresse du maître ou celui de ses ministres.

Pour atteindre Ousékhé, nous avions d’abord traversé une jungle, qui peu à peu avait cédé la place à de grands blocs de granit, dispersés parmi les arbres. Une rangée de collines avait ensuite apparu : amas de blocs granitiques, aux formes les plus étranges, et amoncelés de la manière la plus confuse.

Après avoir passé par une brèche de cette chaîne, le sentier s’était déroulé dans une plaine découverte, où des cultures se voyaient çà et là, et où s’élevaient des piles de rochers et d’énormes blocs solitaires, d’un aspect saisissant.

Près du bivouac où cette marche nous avait conduits, se dressait une de ces piles rocheuses. Sur la plate-forme qui la couronnait, il y avait une mare aux berges abruptes, et dans laquelle, disait-on, un éléphant qui avait été là pour boire s’était noyé. Le fâcheux de l’histoire, c’est qu’il est absolument impossible qu’un éléphant ait pu atteindre le bassin en question : les parois de l’amas qui le supporte sont tellement glissantes et d’une escalade si difficile que, pour visiter la scène où aurait eu lieu cet événement tragique, il fallut quitter mes chaussures et ne conserver que mes bas.

En regagnant le bivouac, je passai dans un endroit où l’on va faire des incantations, pour obtenir de la pluie dans les années trop sèches. Un tas de cendre et un poteau carbonisé marquaient la place où un malheureux avait payé de la vie son impuissance à faire pleuvoir.