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gamoyo avec Murphy) avait emporté de son village une certaine quantité d’ivoire, qu’on lui avait remise pour être échangée contre de la poudre, et qu’il n’avait pas fait la commission.

Ce n’était pas la faute du guide. Défense avait été faite à Zanzibar de livrer de la poudre aux gens de l’Ounyamouési, tant que les Arabes seraient en guerre avec Mirammbo ; et, en raison de sa nationalité, notre homme n’avait pas pu remplir son engagement. Il reconnaissait la dette, et avait offert de la payer en cotonnade ; mais la valeur de ses offres n’avait pas semblé équivalente à celle de l’ivoire qu’il avait reçue. Le chef et le conseil avaient voulu discuter l’affaire avec lui ; l’explication avait été vive ; les camarades y avaient pris part, il y avait eu insulte : d’où les préparatifs de combat.

Sur ma promesse d’instruire l’affaire et de donner gain de cause à qui de droit, la paix fut immédiatement rétablie, et le chef nous introduisit dans son village, qui était parfaitement tenu. L’enceinte, forte palissade entourant l’ensemble des cases — de longues bâtisses rectangulaires à toit plat, — n’avait que deux entrées. Sur chacune des portes s’élevait un fort muni d’une provision de grosses pierres, destinées, en cas d’attaque, à être jetées sur les assaillants.

Après un instant de conversation, le chef nous parla d’envoyer chercher du pommbé, que nous refusâmes, voulant regagner nos tentes le plus tôt possible ; il était trop tard pour continuer la route, et on avait dressé le camp.

Le chef nous laissa partir ; mais à peine étions-nous rentrés, que nous le vîmes apparaître avec une demi-douzaine d’individus chargés d’énormes pots de bière, qu’ils placèrent devant nous, après y avoir porté les lèvres pour nous montrer qu’il n’y avait pas de poison et que nous pouvions boire sans crainte.

Ayant découvert que notre Kiranngosi, qui plaidait la pauvreté, avait assez d’étoffe pour satisfaire à la requête du village, requête dont il connaissait le bien fondé, je lui fis payer sa dette.

Cette conclusion mit tout le monde en liesse ; et la tambourinade, les chants, la danse et l’orgie durèrent jusqu’au matin.

Le lendemain, à sept heures, nous étions en marche dans un pays boisé, où les blocs et les affleurements de granit en large nappe étaient nombreux, et dont les pentes, gravies par la route, portaient de petites collines rocheuses.