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lui-même que le retour à un climat tempéré est la seule chose qui puisse lui faire du bien.

« 29 septembre. — Hier, à force de travail, j’étais parvenu, dans l’après-midi, à réunir seize porteurs. Aujourd’hui, ils ne veulent plus partir ; et je suis là, ma tente pliée, sans un homme pour porter les bagages. Si cela continue, je deviendrai fou.

« J’ai envoyé à Taborah, pour essayer d’avoir des pagazis. Si je ne peux pas avoir assez d’hommes, je réduirai la cargaison, et je partirai seul. Oh ! tout au monde pour quitter ce pays de fièvre et pour faire quelque chose ! Je serais heureux comme un roi, trop heureux si nous pouvions partir, dussé-je marcher pieds nus jusqu’au bout de la route.

« Si je dois m’en aller seul, je prendrai neuf askaris, j’armerai six des porteurs les plus sûrs, je leur donnerai des raïfles ; et pourvu qu’ils me restent, je serai tranquille. Il faut que je parte, coûte que coûte ; rien ne justifie une plus longue attente.

« 30 septembre. — De mes cent trente pagazis, je n’ai pu en rassembler qu’une douzaine. Que faire avec cela ? Je souffre toujours beaucoup d’un œil ; et si je me sers longtemps de l’autre, il devient douloureux.

« 14 octobre. — À peine si je peux écrire ; j’ai été complètement aveugle, et très mal depuis mes dernières lignes. Cet accès m’a mis beaucoup plus bas que les autres.

« J’espère que nous partirons bientôt. Dillon va mieux et grogne de ne pas être en route. Je vous écris tout cela à bâtons rompus, comme mes yeux me le permettent. Ne vous étonnez donc pas du décousu et du peu de sens de l’épître.

« La lune a passé, et naturellement je n’ai pas pu faire d’observation. »

Ces extraits suffisent pour montrer à quel point nous étions malades. Nos gens en profitaient, les uns pour déserter, les autres pour réclamer un supplément de vivres qu’ils n’auraient pas eu sans notre fièvre, ils le savaient bien. Pendant que j’avais le délire, ils s’adressaient à Dillon et à Murphy, malades eux-mêmes ; et à force de persistance, ils obtenaient doubles rations.

En somme, il fallut racheter de l’étoffe et la payer quatre fois plus cher qu’à Zanzibar ; au fond cela était juste ; car il y avait longtemps qu’il n’était venu de caravanes de la côte, et les magasins étaient vides. Je suis loin de me plaindre des Arabes de l’Ounyanyemmbé, de ceux de la classe supérieure ; je ne saurais,