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Une courte promenade dans un pays boisé nous fit gagner Kiganndah.

Entre ce village, qui dans cette direction est le dernier de l’Ounyanyemmbé, et l’Ougounda, province suivante de l’Ounyamouési, il y avait six heures de route en forêt vierge. Pour prévenir les désertions, je posai des sentinelles à l’entrée du village. Le lendemain, vingt-cinq de mes hommes manquaient à l’appel : des lambeaux de leurs maigres vêtements, restés aux pieux de l’enceinte, montraient le chemin qu’ils avaient pris.

Attendre les fugitifs n’aurait fait que nous retarder et probablement causer de nouvelles pertes. Faisant donc contre fortune bon cœur, je louai vingt-cinq hommes pour aller jusqu’au premier village de l’Ougounda, où l’on m’assurait qu’il était facile d’avoir du monde.

En même temps, j’envoyai aux Arabes de Kouiharah et de Taborah la liste de mes déserteurs, dont la plupart étaient des hommes de la côte, et je me mis en marche.

La jeune feuillée couvrait les branches, l’herbe nouvelle tapissait les clairières, que le feu avait noircies ; toute la forêt semblait renaître : partout de la fraîcheur, un air printanier. Je me sentais mieux que je ne l’avais été depuis longtemps, et, à ma grande surprise, je suivais la route ombreuse sans éprouver de fatigue.

Nous fîmes halte auprès d’une série d’étangs, remplis d’une eau transparente et douce. Un âne de somme, appréciant les avantages du bain, entra dans l’une de ces mares limpides, se coucha, et commença à se rouler, au grand détriment de sa charge, composée de papier botanique, et autres objets craignant l’humidité.

Remis en chemin, nous atteignîmes en quelques heures un gros bourg entouré de vastes cultures, et qui, résidence de Mrima Ngommbé, chef de l’Ougounda, s’appelait Kouikourouh, ainsi que dans l’Ounyamouési on nomme invariablement tout village où demeure un chef de district.

Les hommes qui portaient ma tente n’arrivant pas, je me réfugiai dans la maison commune ; j’y fus bientôt le point de mire d’une foule étonnée.

Dans presque tous les bourgs de l’Ounyamouési, il y a deux de ces maisons publiques, ou pour mieux dire de ces clubs, les deux sexes ayant chacun la leur. Ces cases sont généralement