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néanmoins il regrettait Constantinople, et me disait qu’il espérait bien y retourner un jour.

Des porteurs étant venus s’offrir, j’entrevis la possibilité de me mettre en route le lendemain matin ; mais pendant la nuit il en déserta plus d’une vingtaine, et ce ne fut qu’après de nouveaux délais que je pus enfin partir.

Trois heures de marche dans un pays ondulé, où des champs et des villages étaient disséminés dans la jungle, nous conduisirent à Kasékérah, théâtre de la mort du pauvre Dillon. J’aurais voulu visiter son dernier asile, marquer d’une pierre l’endroit où il repose, mais personne n’a pu me dire où il est enterré. Craignant que les indigènes (crainte peu fondée) ne vinssent à profaner son tombeau, Murphy l’avait inhumé dans la jungle.

J’appris également ce jour-là que, peu d’instants avant sa mort, il avait déchiré les lettres que je l’avais prié de porter à la côte. Je fis donc un nouveau récit des actes de l’expédition, de nos projets et de nos espérances.

Le surlendemain, arrivèrent des hommes de Murphy ; ce dernier avait été volé d’une certaine quantité d’étoffe et envoyait demander à Séid Ibn Sélim de lui céder de la cotonnade, afin qu’il pût continuer son voyage.

Kasékérah est un gros village bien tenu, composé de huttes à toits plats et entouré d’une estacade. À l’intérieur, une palissade enferme une énorme case circulaire, qui est la résidence du chef. Celui-ci était alors une femme, la fille de Mkasihoua, chef indigène de tout l’Ounyanyemmbé. Un grand nombre de cases avaient de larges vérandas, et plusieurs d’entre elles étaient crépies avec de l’argile de teintes diverses, dont les couleurs étaient distribuées de manière à former des dessins.

Je fus obligé de nouveau d’attendre Bombay ; puis le jour de son arrivée, une pluie torrentielle nous empêcha de partir. Enfin, le 22 décembre, je quittai Kasékérah, après la somme des ennuis habituels : neuf de mes gens avaient encore déserté, le jour même où ils avaient reçu leurs rations.

Mes askaris s’étaient plaints d’avoir à porter les drapeaux et le tambour : ce n’était pas, disaient-ils, l’affaire des soldats ; c’était l’ouvrage des pagazis. Bombay avait soutenu ses hommes dans leurs prétentions ridicules ; il n’avait pas fallu moins de quatre heures d’un rude travail pour mettre la caravane en marche et sans le tambour.