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rent nous demander, comme tribut, quarante brasses d’étoffe et deux fusils. Je n’avais pas de fusils à donner, et me tirai d’affaire en ajoutant deux dotis (quatre brasses de cotonnade) à ceux qu’on me demandait. Un cadeau pour la mère de Taka fut ensuite réclamé. Je répondis que Taka était assez riche pour entretenir sa mère, et je refusai le cadeau.

Les messagers me dirent alors que si j’allais voir leur maître, il me donnerait des vivres ; mais cette visite m’aurait pris deux ou trois jours ; je déclinai l’invitation.

L’étape du lendemain se fit tout entière dans une plaine parfaitement horizontale. Arrivés à la fin de la marche, nous nous trouvâmes en face d’une petite colline, située près d’un village appelé Kouatosi, colline au sommet de laquelle notre camp fut dressé.

Nous avions eu pour guides des indigènes que Taka avait mis à notre disposition ; l’un d’eux m’avait beaucoup amusé par l’orgueil que lui inspirait la possession d’un parapluie. Toute la journée, il avait tenu ouvert le précieux objet, le faisant tourner, tourner sans cesse de la façon la plus risible. Au moment d’entrer dans une jungle, notre homme se dépouilla de la draperie qui formait son unique vêtement, et se la posa sur la tête, après l’avoir soigneusement pliée. La vue de ce nègre complètement nu, marchant sous un parapluie, triompha de ma gravité, et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire.

De l’éminence où était placé notre camp, on n’apercevait qu’une plaine, n’ayant à l’horizon lointain que deux petites collines situées au nord-nord-ouest. C’était là, disait-on, que Mirammbo avait son quartier général, quartier que les Arabes n’avaient jamais attaqué, la position en étant si forte, que vouloir l’assaillir eût été courtiser la défaite.

Repartis, nous vîmes les sites de beaucoup de villages récemment détruits par la guerre ; et après une nuit passée dans la jungle, nous atteignîmes la capitale de l’Outenndé, qui est le district central de l’Ougara.

Le chef fut d’abord raisonnable, à l’égard du tribut ; il se serait contenté de douze brasses d’étoffe, si l’un des fils de Taka, malheureusement arrivé pendant l’affaire, ne lui avait dit : « Ne soyez pas si bête ; mon père a eu vingt-deux dotis (quarante-quatre brasses), demandez-en autant » Ce fut la cause d’un débat prolongé qui se termina par la défense du chef à ses sujets