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Il y a au Kabogo un double promontoire, résidence du diable et de son épouse, ce qui rend la place doublement dangereuse. Cet endroit redoutable fut gagné le jour suivant, et bien que le terrible couple demeurât invisible, mes pilotes, debout à l’avant de la Betsy, lui firent leur offrande.

L’un d’eux avait à la main une pagaie tendue, sur laquelle étaient quelques grains de verre, d’espèce commune, et l’un et l’autre dirent en même temps une invocation que l’on peut traduire ainsi :

« Ô vous qui êtes puissant, vous, noble diable, vous, grand roi, vous qui prenez tous les hommes, vous qui les tuez tous, laissez-nous passer. »

Puis après quelques saluts, quelques gestes, les perles furent jetées dans le lac, et le mauvais esprit fut rendu propice.

Ayant doublé le Kabogo, nous longeâmes le fond d’une baie qui s’étend de ce cap terrible au cap Koungoué, point le plus méridional que l’on aperçoive de Kahouélé. Rasant ensuite de belles collines, dont les pentes descendaient jusqu’au rivage, nous nous arrêtâmes dans un petit havre splendide où tombaient deux rivières.

L’appétit me revenait ; je commandai à Sammbo de tuer une poule et de me la faire cuire. À ma grande surprise, il n’en avait pas, bien que je lui eusse donné des grains de verre et de l’étoffe pour faire provision de volaille. Afin de s’éviter de la peine, il avait acheté à la place une couple de chèvres, qu’il était facile d’avoir au marché, tandis que les poules ne s’obtenaient qu’en allant de maison en maison.

« Eh bien ! donnez-moi de la chèvre. »

Mon cuisinier me dit alors qu’une des deux bêtes avait été abattue le jour où la fièvre m’avait pris, que la viande s’était gâtée, qu’il avait tué l’autre pour avoir quelque chose à me donner quand j’irais mieux et que la viande de celle-ci avait fait comme la première. Il en résultait que des deux chèvres, remplaçant la volaille, il ne restait pas un morceau.

Heureusement que les Vouadjidji que nous avions rencontrés la veille, et qui suivaient la même route que nous, voulurent bien me céder une bonne chèvre laitière dont le lait, pour un convalescent, n’était pas moins bon que la viande.

Pendant les deux jours suivants, nous continuâmes à longer le bord de la baie. Le premier soir, le camp fut dressé à l’em-