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fois le prix d’une chèvre — les bénéfices de nos compagnons ont dû être énormes.

Je profitai de l’occasion pour visiter le village ; il était de grandeur moyenne, composé de huttes coniques et entouré d’une forte estacade. Un large fossé, n’ayant qu’une planche glissante pour passerelle, précédait cette enceinte qui, doublée de troncs d’arbres placés horizontalement, était à l’épreuve du mousquet. Au-dessus de la porte et à chaque coin de l’estacade, s’élevaient des forts bien approvisionnés de lourdes pierres, toutes prêtes à être lancées sur l’ennemi.

Du tabac, en très petite quantité, formait la seule culture. Les hommes allaient à la pêche, quand la fantaisie leur en prenait, comme simple divertissement. Pour subvenir à ses besoins — alimentation et le reste — la place n’avait que son commerce d’esclaves.

Lors de mon arrivée, une danse entrecoupée de pantomime, variée de sauts et de culbutes, était exécutée par deux hommes, dont les efforts manquaient d’énergie et d’entrain. Quand les danseurs crurent avoir assez fait pour l’amusement du public, ils se traînèrent comme entièrement épuisés, se dirent mourants de faim et se jetèrent aux pieds des personnes dont ils attendaient une ou deux poignées de sorgho ; puis, la collecte achevée, ils reprirent leurs exercices.

L’orchestre se composait de six tambours et d’un chanteur qui bourdonnait une sorte de récitatif.

Ensuite, un homme obligeant alla se mettre en costume de guerre à mon intention. Il revint coiffé d’un bonnet de peau de zèbre et avec un masque de la même peau, masque hideux. Ses armes consistaient en une couple de lances et en un bouclier de cinq pieds et demi de long sur dix pouces de large. Bien qu’il affirmât que ce bouclier, fait en bois de palmier, était à l’épreuve de tout, notre homme refusa de le soumettre à l’essai d’une balle de mon raïfle.

Dans la nuit, il y eut de si fortes rafales, accompagnées de tonnerre, que je sortis de ma cabine pour aller voir si la barque était solidement amarrée. Tous mes gens, excepté Bombay, étaient campés sur la rive ; en outre, ils avaient pris les rames pour faire la charpente de leurs cabanes. Que serait devenu le bateau, s’il avait été poussé au large par une semblable nuit, sans équipage et sans rames ?